Des châteaux-forts dans la commune d'Etalle ?

Dans la commune d'Etalle, quelques châteaux sont encore visibles actuellement, parfois en piteux état, comme celui de Villers-sur-Semois, parfois très bien conservés ou restaurés, comme celui de la Grosse Tour à Etalle ou celui de Sainte-Marie ou encore les manoirs-fermes Thiéry ou du Bru à Vance. Mais l'histoire nous apprend que d'autres châteaux existaient jadis (outre les villas romaines) et sont maintenant disparus. En effet, à l'époque féodale, chaque seigneurie avait sa maison forte ou son château.

A Etalle
Château féodal d'Etalle à la Radelette Outre celui de la Grosse Tour ou château de la Margelle, il existait un autre château, siège de l’ancienne famille des comtes de Chiny. Il était situé derrière l’église, au bout de la rue de la Radelette.

En déblayant les terrasses, en 1848, on découvrit, à une profondeur de 2m50, une quinzaine de squelettes, des armes, des urnes et des monnaies romaines. Sous une dalle funéraire sans inscription, on trouva également des ossements et une longue épée. En 1993, l'actuel propriétaire du terrain, à proximité de la Semois, signala la présence d'un empierrement. Les fouilles qui ont suivi ont permis de retrouver des murs, des fossés, la base d'une tour rectangulaire, … Il s'agissait bien du château, dont il a été possible de restituer le tracé général : ensemble circulaire de 80 mètres de diamètre ceinturé d'un fossé inondé par la Semois.

Le château a été construit vers 1066, par Arnould II de Chiny. Avec les maisons-fortes de Vance et de Villers-sur-Semois, il formait une ligne de défense entre le Barrois et le Luxembourg. Aussi, il eut maints sièges à soutenir, lorsque des querelles d’intérêt mettaient les deux pays aux prises. Arnould II, comte de Chiny, l’avait bâti et fortifié ; puis il en avait confié la garde à l’un de ses fidèles chevaliers, qui devint la souche de la famille seigneuriale d’Etalle.

Toujours à Etalle
Château féodal Mouche d'Ethe à Etalle Un troisième château existait également à Etalle : le château "Mouche d'Ethe". Cette maison-forte fut bâtie en 1573 par Geoffroy d'Ethe sur l'actuelle route de Virton, un peu avant la bifurcation de la rue du Bois, probablement au niveau de la fourche qui débute la rue du Harret.

Elle contenait à l'époque environ 50 ares de terrain et était entourée de fossés remplis d’eau, avec un pont-levis et deux tours.

Le nom "mouche" semble assez difficile à comprendre. Il pourrait éventuellement s’agir d’une variante de l'ancien français musse ou "cachette", d'où "lieu caché, retiré", due à l'attraction du mot français mouche. On pourrait peut-être penser qu’il s’agissait de l’endroit où Geoffroy d’Ethe désirait se retirer, à l’écart d’Ethe.

Cette maison-forte est mentionnée dans un acte de 1604, mais apparaît comme une "ruine" sur un plan du centre d'Etalle en 1646.

A Villers-sur-Semois
Château féodal du Trux à Villers-sur-Semois Le château encore visible actuellement aurait été édifié par Henri Henriquez en 1712. Mais il semble qu'il y ait eu auparavant une maison-forte dont on ne connaît pas de détails. Elle se situait, semble-t-il, dans une fourche entre l'actuelle rue du Tru et un chemin qui passait à la lisière du bois de Danremy pour arriver à la Malpierre.

Elle semble avoir été d'une certaine importance, notamment vers le XIIe siècle, puisque, selon certains historiens, elle constituait, avec les châteaux d'Etalle et de Vance, un des plus solides points d'appui de la ligne de défense entre le Luxembourg et le Barrois, qui furent souvent en guerre au Moyen-Age. Cette maison-forte, appelé "le Trux", faisait la contrepartie du village, le pendant de l'église, située, elle, sur l'autre versant de la petite vallée d'un ruisseau intermittent qui traverse le village du nord au sud.

C'est probablement de cette maison que la famille du Trux tire son nom. Cette famille était très influente au Moyen-Age, jusqu'au XVIIIe siècle : à Vance, à Longwy, à Stainchamps et à Etalle.

Il est difficile de situer exactement ce château aujourd'hui. Tandel le mentionne dans son ouvrage consacré aux communes luxembourgeoises : "au milieu de Villers se trouve un terrain (cultivé maintenant, et appartenant à la famille d'Aremberg) élevé de 5 à 6 mètres ; on dit que c'est l'emplacement d'un château qui aurait appartenu à un seigneur nommé du Trux ; il y a encore un vieux pan de muraille qui empêche les terres de descendre sur le chemin ; est-ce un reste du château ou un mur d'enceinte ? On n'y a jamais fait de fouilles ; la partie de la localité qu'environne ce terrain porte encore le nom de Tru."

A Sivry
Château féodal Mouche de Sivry Il existait également une maison forte, situé au 211/2 et au 213 de la rue principale du village. Autrefois quadrilatère, une seule aile est encore en place perpendiculairement à la chaussée, avec un court retour d’équerre sur celle-ci.

Ce château était probablement la maison-forte que Thibaud de Bar, en 1342, déclare tenir en fief. Elle est mentionnée dès 1270 dans une charte concernant un arrangement entre les comtes de Luxembourg et de Bar.

La maison forte a été tenue par Clément de Sivry en 1604, puis par le comte de Monceau en 1750. Au XVIe siècle, la maison a également probablement été habitée par Rémy Jacquot, lieutenant-prévôt pour le duché de Lorraine. C’est la pierre tombale de sa fille Marie et de son beau-fils François de Senocq qui est adossée au mur du fond de l’église d’Etalle. La maison forte fut aussi occupée par André Blanchart, mort en 1729 à la suite d’une chute de cheval. Son épitaphe se trouve dans le fond de l’église d’Etalle.

A Vance
Château féodal de Vance A Vance, les historiens mentionnent même un "château-fort". Il était probablement situé non loin du cimetière actuel, peut-être entre la Semois et le bâtiment d'Agri-Vance.

Il y a quelques années, un tertre marquait encore l'endroit où se trouvait le donjon, car il était de règle de le construire sur une butte naturelle ou artificielle nommée "motte". Lors de travaux effectués en 1861 pour rectifier le cours de la Semois, on y a mis à jour les restes d’un chemin empierré qui desservait le château. La Semois fournissait l’eau pour alimenter les fossés et les marécages voisins contribuaient à rendre son accès difficile.

Ce furent les sires de Vans qui construisirent ce premier château-fort de Vance, imposant par sa masse et qui constituait un point de défense important des frontières du comté de Chiny. La superficie de son emplacement, fossés compris, était d'environ un jour, c'est-à -dire de 30 à 35 ares, ce qui indiquerait des proportions assez modestes.

La construction devait probablement se situer un peu avant les années 1200. Aubert de Vance y habitait certainement vers 1260 et les écrits montrent qu’il disposait de forces et moyens appropriés. Il devait entretenir une garnison dans le château. Il semble que le château ait été brûlé en 1266 par les troupes du Comte de Bar Thiébaut II, puis reconstruit peu de temps après, en 1284, à son ancien emplacement. Vers 1350, les Seigneurs de Vance furent les sires de Colmey. Le lieu-dit "Le Coulmy", entre la N83 et la Semois, au nord-ouest de l’actuel cimetière de Vance confirme que le château était situé à cet endroit.

Les ruines du premier château-fort de Vance étaient encore visibles en 1602, mais elles étaient qualifiées de "masure du vieux château, ruiné de longtemps". Il semble qu’après sa destruction, un autre castel fut édifié à proximité, en face, près de la Semois et des marais qui devaient concourir à sa défense. Il fut démoli par les Français en 1656. Par ailleurs, l’emplacement, proche du presbytère porte encore de nos jours le nom de "Au Château".

Toujours à Vance
Fortification féodale de la Broye à Vance Au nord-est du village, à peu de distance de la limite entre les territoires de Vance et de Hachy, au lieudit "à Broye", entre la route de Habay et la prolongation de la rue Notre-Dame des Champs, au nord de la Chaussée romaine, on a relevé les vestiges d'un autre castel.

L'étymologie semble lui assigner une origine fort ancienne, contemporaine ou peut-être antérieure à celle du premier château-fort de Vance. "Broye", en dialecte gaulois signifiait forteresse, citadelle. Le nom se retrouve, avec la même signification, dans deux localités du midi de la France.

A son emplacement, on trouve de petits amoncellements de débris et de matériaux divers. Des fouilles permettraient peut-être d'en découvrir les substructions. En contrebas, il y avait un étang au lieudit "le grand vivier", dont les eaux étaient contenues par des digues et dont le trop-plein allait se déverser dans le ruisseau du Pont Nick. On peut supposer que ces eaux alimentaient autrefois les fossés du château.

A Chantemelle
Château féodal de Chantemelle Entre la Route d'Arlon et la Semois, aux lieux-dits "La Grosse Roye" et "Les Moutes", on aurait retrouvé les vestiges d'un château.

Le lieu a conservé son nom "Les Moutes" et on y remarque encore un monticule assez considérable dont on a extrait divers débris. La terre formant le monticule n'est aucunement la même que celle des terrains environnants. On aurait encore trouvé les fondations, enfouies à 60 cm sous le sol.

Il s'agirait des vestiges qui marqueraient l'emplacement du château-fort des sires de Chantemerle détruit au XIIIe siècle. On ne sait de façon précise comment les sires de Chantemerle furent dépossédés de leur seigneurie et leur château détruit. Il semblerait qu'en 1255, suite à un désaccord survenu pour la possession de l'Aunois, Siger de Carpentier, seigneur de Vance, parvint à s'emparer du château de Chantemelle et le détruisit. Le châtelain vaincu fut obligé de s'enfuir après s'être vaillamment défendu avec sa garde dans les bois en face de son manoir. A partir de ce moment, Chantemelle dut reconnaître et rendre hommage au seigneur châtelain de Vance.

La date de 1255 pourrait être admise comme celle de la destruction du château des de Chantemerle, car c'est à partir de ce moment qu'on ne parle plus d'eux dans la région.

Alors, peut-on parler de "châteaux-forts" disparus dans la commune d'Etalle ?

Le terme "château-fort" évoque des fortifications solides, avec douves, pont-levis, donjon, meurtières, ... Peut-être est-ce exagéré d'employer ce vocable en ce qui concerne les châteaux d'Etalle. Le terme "maison-forte" est probablement mieux adapté. Ces édifices ne sont pas des châteaux (castrum ou castellum), mais sont plus que de simples résidences (domus).

Cependant, alors que dans la partie allemande du pays, les châteaux étaient perchés sur des roches inaccessibles, et ressemblaient plus à ce que l'on imagine être un "château-fort", dans la partie wallonne, ils étaient assis dans la vallée, entourés de larges fossés remplis d’eau. C’étaient des masses de maçonnerie, en forme de tours ou de donjons, qui visaient moins à l’élégance qu’à la solidité, comme sur la Semois et notamment dans l'actuelle commune d'Etalle. Ainsi étaient ceux d'Etalle, de Vance, de Chantemelle et de Villers-sur-Semois. Celui de Vance en tout cas est souvent qualifié de "château-fort".

Quoiqu'il en soit, les seigneurs féodaux ne devaient pas trop se sentir en sécurité à cette époque de tensions entre le comté de Bar et le duché de Luxembourg. Au total, en ajoutant encore les fortications de Montauban, il y aurait eu une dizaine de tels "châteaux" rien que sur le territoire de l'actuelle commune d'Etalle !

Bibliographie
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  10. Goffinet, H. - Mélanges. - Tome XIX des Annales de l'Institut Archéologique du Luxembourg, Arlon: Institut archéologique du Luxembourg, 1887.
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